Yves Grelet est un prêtre marié, qui n'exerce plus. Il fait partie du Réseau des Parvis, un ensemble d'associations qui milite entre autres, pour la fin du célibat des prêtres, ou pour une plus grande tolérance.
Il a été interrogé par Dominique Delaroa, le dimanche 6 mai, à 7h 10, sur France Inter, dans le cadre de l'émission radio "Théo" (cliquer sur theo-lachroniquedesreligions).
YG - Un prêtre qui commence à exercer son sacerdoce est tenu de tout faire pour respecter l’engagement qu’il a pris, c’est-à-dire d’être au service de l’Evangile.
Pour la question du célibat, il y a des étapes dans l’engagement. A un moment, on lui dit : maintenant il faut que tu nous dises que tu renonces au mariage. Alors, on est pris dans toute une dynamique. On a envie de donner sa vie " aussi magnifiquement que possible " et on se dit : mais oui, Dieu mérite bien ça et au fond il m’aidera..
On est à un âge, 25 ans où on n’est plus des gamins, mais on n’a pas une grande connaissance de la vie. On a été élevé en général dans des lieux qui sont plus masculins que féminins ; en tout cas on fait une promesse ou un engagement définitif que l’Eglise décide de verrouiller. C’est-à-dire : c’est terminé, et après donc, tu serais un infidèle, tu serais un exclus et on t’enlèverait tes responsabilités si tu quittais cette situation de célibataire.
DD - C’est ce qui arrivé au Père Laclau.
YG - Tout à fait. Je ne le connais pas personnellement, mais j’en connais beaucoup d’autres qui ont dit : un jour j’ai découvert que nos itinéraires pouvaient se compléter sans que cela remette en cause notre volonté de vivre l’Evangile et de le partager et d’en faire découvrir la beauté et l’utilité pour la vie.
Mais alors, quand on entre sur ce terrain-là, on devient un futur infidèle, un futur exclus, un futur proscrit, comme si la découverte de l’amour et cette expérience de l’amour devenaient incompatibles avec l’engagement pour l’Evangile et le service de l’Eglise.
DD - Est-ce que l’Eglise a des arguments théologiques pour défendre le célibat ?
YG - Non, parce qu’il n’est pas dit, dans l’Evangile ni dans la réflexion théologique, que le célibat serait lié au sacerdoce.
C’est en 1139 que le 2è concile du Latran que l’Eglise va définir la nécessité du célibat pour les prêtres, à la différence de tout ce qui se passait auparavant : jusqu’alors les uns étaient célibataires et d’autres se mariaient, avaient des enfants évidemment…
DD - Il y a eu des prêtres-mariés avant et des papes …
YG - Oui, des papes et des évêques. Ce n’était pas une interdiction..
DD - Alors aujourd’hui il y a donc des gens comme vous qui pensent que l’Eglise doit évoluer sur cette question du célibat.
YG - Tout à fait ! Beaucoup de gens ne s’en scandalisent pas du tout.
Je crois pouvoir dire par exemple que les 50 associations qui composent les réseaux des Parvis sont unanimes pour dire : Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Combien de temps ça va durer ces oukases qu’ils ont pris pour ne pas reconnaître que la femme et l’homme ont une dignité égale ? Pourquoi les célibataires seulement auraient-ils le droit de légiférer ? Au nom de quelle autorité sinon celle qu’ils se sont attribuée eux-mêmes … ?
Et donc là il y a une certaine démocratisation souhaitable. Une réflexion pluraliste est nécessaire.
Nous sommes nombreux, à Parvis, à dire que c’est l’Evangile qu’il est important de vivre, et non des règles anciennes qu’il faut reproduire. Nous demandons que place soit donnée à la réflexion et à l’expression de nos contemporains pour ce qui touche leur monde à eux.
DD - Mais l’Eglise ne va pas du tout dans ce sens-là : on l’a vu avec Jean-Paul II, et Benoît XVI remet ça ...
YG - Tout à fait : plus on monte dans la hiérarchie, plus on se croit autorisé à dire des choses définitives et à ne pas écouter du tout les autres.
En tout cas, cela aboutit à des événements qui vont se durcir. On peut même craindre, peut-être, un schisme, un de ces jours. En effet, si devait se durcit la position de la hiérarchie qui dit que les principes anciens doivent perdurer éternellement, alors beaucoup de gens qui essaient de vivre l’Evangile diraient : on va essayer, autrement, d’être fidèles à l’Evangile et à l’Esprit de Dieu qui n’est enfermé dans aucun tuyau même du Vatican.
DD - Alors, est-ce que le fait d’avoir une compagne nuit au sacerdoce ?
YG - Je ne le pense vraiment pas. Au contraire… J’ai des témoignages et j’ai mon expérience aussi : loin d’éloigner de l’Evangile, à condition que ce soient une foi sincère et un amour vrai, eh bien, au contraire, en couple se crée mutuellement cette complémentarité dans les regards, les expériences de vie, dans les analyses de la société, et même dans la lecture de la Bible et de l’Evangile. C’est très enrichissant.
Et puis, à l’évidence, pourquoi dans le dialogue, faudrait-il que ce soient les célibataires qui légifèrent sur le mariage, la sexualité ou autre ? Au moins qu’on ait la pudeur de reconnaître qu’on n’est pas dans ce cas-là le mieux placé, et que l’humilité ne serait pas mauvaise en l’occurrence.