Sous le titre "Peut-on encore changer l’Eglise catholique ? S’adapter ou se désagréger", Paul Abela * a publié cet analyse dans le Témoignage chrétien, du 30 octobre 2008.
* l'auteur a publié en 2002, aux éditions L'Harmattan, Je crois, mais parfois autrement, dans la collection "Chrétiens autrement".
Après des siècles d’inertie, notre Eglise a commencé à se réformer avec le Concile Vatican II, mais elle est encore trop archaïque dans son organisation et dans son langage. En 50 ans, le pourcentage des pratiquants est passé de 25% à 5%. Si elle ne se réforme pas radicalement, elle sera de moins en moins crédible et se désagrègera .
Son organisation
L’Eglise a hérité d’une organisation monarchique, autoritaire et peu fraternelle. En excluant des ministères les hommes mariés et les femmes, elle est sexiste, alors que la société est de plus en plus démocratique et égalitaire. La structure de la répartition entre clercs et laïcs n’est pas adaptée à notre monde culturel. En 50 ans, la population de la France a augmenté de 50%, tandis que le nombre des prêtres n’est plus que le quart de ce qu’il était et celui des ordinations annuelles est tombé de 1 000 à 100. Des prêtres âgés sont chargés de 10 à 20 paroisses. Il est urgent de reconnaître qu’il y a là un signe des temps qui appelle à repenser ces structures .
Son langage
Maurice Zundel disait : " Parler de Dieu aujourd’hui dans le langage des premiers siècles, c’est se condamner à n’être pas compris et faire courir à Dieu le risque d’apparaître comme un mythe à reléguer au musée des antiquités ".
Le dogme de l’infaillibilité est contredit par les événements et l’on se rend compte qu’il apparait comme incompatible avec la condition humaine. Plusieurs dogmes mineurs, liés à un autre monde culturel, doivent être repensés, y compris le vénérable Credo de Nicée, qui est abstrait et n’engage à rien.
La Bible
Pendant des siècles, la référence à la Bible était prise à la lettre, de façon fondamentaliste, quasiment dictée par le ciel (comme les musulmans pour le Coran). Il a fallu attendre 1943 pour qu’une encyclique de Pie XII (Divino afflente spiritu) admette que certains récits de la Bible n’étaient pas historiques, mais symboliques ou légendaires. C’est le cas de la création en 7 jours, le péché originel, le Déluge, la Tour de Babel, et l’ensemble des 11 premiers chapitres de la Genèse. Des archéologues israélites se demandent si ce n’est pas le cas aussi de l’Exode et de la traversée de la mer Rouge et toutes les guerres racontées par Josué, qui aurait arrêté le soleil (Israël Finkelstein, La Bible dévoilée, Ed. Bayard, 2001).
Le style de certains passages du Nouveau Testament est également de ce genre. Ainsi la virginité de Marie (ante partum, in partu, et post partem), la transfiguration, l’ascension, etc … sont symboliques. Les prendre au sens historique finira par préparer à un reniement général. Les catéchisés se rendront compte un jour, que cela ne peut pas être historique, et ne croiront plus rien.
La liturgie
Grâce à Vatican II, notre liturgie, longtemps en latin, a été enfin traduite dans les langues parlées. Célébrant la joie et la fraternité enseignées par Jésus, la liturgie devrait être conviviale et joyeuse. Hélas, à part quelques très beaux chants, elle est loin de l’être, elle est plutôt austère. C’est pourquoi des milliers de gens lui préfèrent le spectacle des match de football ou de rugby.
Le partage du pain et du vin, en mémoire de Jésus, longtemps désigné comme " la fraction du pain " est le symbole d’une vie de partage, mais les termes retenus d’ "Eucharistie " et ce qu’on dit comme les paroles de Jésus à la dernière Cène ( " ceci est mon corps ") rendent obscure cette mémoire et n’engagent à rien.
Selon la Bible de Bayard en 2001, ces paroles peuvent être traduites autrement : " Ceci c’est moi ". Il pourrait s’agir du geste de partage ou la fraction du pain. De même les pèlerins d’Emmaüs ne le reconnurent qu’à la fraction du pain. Cette fraction du pain est le symbole d’une vie de partage. Le sacrement est ainsi un appel à une vie exemplaire.
Une vaste réforme
Revoir l’organisation de l’Eglise, son langage, sa lecture de la Bible, sa liturgie, c’est dans tous les domaines que l’Eglise doit s’adapter à son siècle. Seul un Concile Vatican III pourrait entreprendre cette vaste réforme. Si elle ne se réforme pas radicalement, l’Eglise catholique sera de moins en moins crédible et se désagrègera.