Les démocraties occidentales s’enorgueillissent à juste titre de leur système politique, mais il faut bien constater que le pouvoir de la rue court-circuite très fréquemment le système parlementaire pourtant mis sur place à la suite d’élections au suffrage universel, transparentes et non contestées par les partis en lice : manifestations pour dénoncer les mesures prises par les députés et sénateurs, grèves " syndicales " à tout bout de champs, émeutes de jeunes dans les quartiers périphériques, etc. Certains partis politiques s’en réjouissent et attisent le feu.
Manifestement, le politique n’arrive pas à gérer les opinions qui s'affrontent, à négocier les divergences corporatistes, communautaristes ou de classe, à faire prévaloir l’intérêt général, à maîtriser la violence dans des sociétés qui sont de plus en plus hétérogènes, fractionnées et en proie au chomage.
Le droit de manifester publiquement son désaccord ou ses revendications est accordé par les constitutions, mais les banderoles et les défilés avec slogans font place à des émeutes particulièrement violentes où même les pompiers, les secouristes et les journalistes sont caillassés. Mai 68 n’a été qu’un prélude ; ce sont maintenant tous les autres pays qui connaissent ce genre d’explosion. Les casseurs en profitent bien entendu et rappliquent immédiatement chaque fois qu’une manifestation est prévue.
Après la non-violence anti-colonialiste de Gandhi contre l’empire britannique, voilà que l’Asie – avec la Thaïlande – vient de nous donner une nouvelle leçon politique. Dénonçant un Gouvernement corrompu, des milliers de manifestants ont bloqué, du 25 novembre au 3 décembre, les aéroports de Bangkok et le siège du Gouvernement, ceci par un immense sitting sans violence ni dégradation des infrastructures. Certes 100 000 touristes se sont trouvés pris au piège, mais les manifestants ne les ont nullement pris à partie et les ont laissé partir. Les morts qui ont été déplorés sont le fait d’activistes pro-gouvernementaux qui ont lancé des grenades sur les manifestants pacifiques (par exemple 51 personnes blessées par une grenade).
photo de l'AP vue sur Yahoo Actualités : manifestants vêtus de jaunes, aux couleurs de la royauté thaïlandaise, et brandissant une photo du couple royal.
Comment de telles actions non-violentes, de cette ampleur, sont-elles possibles ? Cela renvoie, nous semble-t-il, au substrat culturel, entre autres à des religions (bouddhisme, etc.) vécues par un grand nombre d’une façon tolérante.
Or, en Europe chrétienne, les évangiles sont elles aussi porteuses de non-violence. Comment nos sociétés en sont-elles arrivées, en dépit de cet héritage, à une violence des plus sauvages chaque fois que des groupes veulent exprimer leur désaccord ?
Est-ce lié à la déchristianisation ? Mais les élites chrétiennes durant les siècles de chrétienté ont-elles donné le bon exemple ? la chasse aux hérétiques, l’extermination des cathares par l’Inquisition, les guerres de religion au XVI° siècle, les Dragonnades de Louis XIV contre les Huguenots, les pogroms antisémites, etc., pèsent lourds dans la mémoire collective.
Et puis vint une nouvelle page avec la violence révolutionnaire de la fin du XVIII°s et les impérialismes napoléonien puis coloniaux, enfin les totalitarismes politiques (fascistes, communistes, islamistes). Le travail d'explication, voire de démystification de toutes ces violences a-t-il été suffisamment faits par les historiens (et enseignants à leur suite) ? De mon temps, Robespierre et Saint-Just passaient pour des saints ; Lénine pour un génial et prophétique meneur d'hommes libres ...
A quand la non-violence dans nos mœurs ?