par Jean-Claude Barbier, article à la Une paru dans la Correspondance unitarienne n°132, octobre 2013 (lien)
Chaque mois d’octobre, la Correspondance unitarienne célèbre la mémoire de Michel Servet (1511-1553), humaniste espagnol, médecin et théologien anti-trinitaire, qui a vécu en grande partie en France (Toulouse, Strasbourg, Paris, Charlieu, Lyon, Valence) et que Jean Calvin fit mettre sur le bûcher le 23 octobre 1553 à la colline de Champel à Genève. Ce mois-ci, nous ferons cette commémoration avec l’affaire Pascal Vesin, ce prêtre catholique excommunié par son évêque (sur injonction de la Congrégation de la doctrine de la foi – ex Inquisition) pour cause d’appartenance à la franc-maçonnerie.
statue de Michel Servet à Annemasse
Beaucoup de gens se sont émus de la lourdeur de la sanction (ni plus ni moins l’excommunication !) et l’ont comparée avec celles qui ont été appliquées aux prêtres, religieux et évêques pédophiles. En fait, dans le premier cas, il s’agit d’un procès en hérésie (donc d’une condamnation vis-à-vis d’un entêté dans l’erreur dogmatique), alors que dans les seconds cas relèvent de la morale et de la discipline (une punition avec amendement dû à tout pêcheur repentant). Certes, ils ne conduisent plus au bûcher, mais les procès inquisitoriaux n’ont jamais cessé au sein de l’Eglise catholique romaine avec un cortège de théologiens interdits d’enseignement et de prêtres mis à l’écart. On aime l’encens et non point le souffre en cette Eglise !
Qu’on ne s’y trompe pas, le nouveau règne papal appelle à une Eglise davantage au service des pauvres, luttant contre les inégalités et les injustices, refusant la pompe romaine. Les accents sont indignés et moralistes ; mais qu’en sera-t-il des réformes tant attendues ? Nous ne sommes pas les seuls à poser cette question avec quelque inquiétude. Le journal de l’association Plein Jour (mouvement qui milite pour le droit au mariage des prêtres et religieux) du mois de juin 2013 commente ainsi les premiers pas du pape François : « Le pape François se dépouille des attributs impériaux mais pour autant est-ce une transition de l’impérialisme romain (Cf. le livre de Olivier Bobineau ‘l’Empire des papes’ ) vers une assemblée fraternelle ? La rupture de ton et de style introduite par le nouveau pape ne s’accompagne pas d’une rupture quant au contenu et à la ligne d’ensemble » . L’affaire Pascal Vesin est un premier test ; force est de constater qu’il est négatif : non, il n’y aura pas de changement au niveau de la dogmatique. On change les costumes et le style, on réforme la Curie, mais le contenu restera le même.
Ce qui est sûr, car déjà commencé, le pape François va nous gaver de piété ancienne, à coup d’ostentations du Saint-sacrement (Jésus adoré comme Dieu dans l’eucharistie) et de litanies mariales. Ce sont là des valeurs refuge qui font consensus au sein des fidèles qui y sont habitués. Les jeunes adolescents qui découvrent la foi, comme ceux des Jeunesses mondiales catholiques (JMC) seront enthousiasmés par le fait qu’il prenne en cela le relais de ses successeurs, Jean-Paul II et Benoît XVI.
Dès le 26 juin, j’ai pris l’initiative sur Facebook de lancer un « Comité de soutien au prêtre Pascal Vesin », curé de Megève en Haute-Savoie. Je l’ai fait en pensant à Michel Servet dont la statue commémorative est toute proche, à Annemasse (et un peu plus loin à Genève sur les lieux de son martyre). Il a trouvé écho positif auprès de membres des groupes « Unitariens francophones » et « Protestantisme libéral » de ce réseau social, puis a été rejoint par de très nombreux catholiques, paroissiens ou sportifs fréquentant les pistes de ski de cette région ; soit un total de 223 membres à ce jour. Ce succès nous a permis d’oser : vous trouverez en document la Lettre ouverte que ce comité de soutien a envoyé à l’évêque d’Annecy (laquelle fut diffusée par le Dauphiné libéré), ainsi que notre circulaire aux 114 évêques et archevêque de France (métropole, DOM et TOM), lien .
Oser car, de nos jours, les outils de l’Internet facilitent grandement l’action militante. Dans ce cas, la réactivité la plus rapide possible à un fait concret, l’appui de groupes sur Facebook, l’utilisation de sites pouvant être bien répertoriés par les moteurs de recherche (voir nos articles dans les Actualités unitariennes à la rubrique « la franc-maçonnerie », lien), l’accès aux médias régionaux, etc.
Ayant proposé à sa hiérarchie d’entreprendre une réflexion sur les relations entre l’Eglise catholique et la franc-maçonnerie, Pascal Vesin s’est dit disposer à suspendre sa participation à sa loge durant deux ans afin de se consacrer à cette réactualisation nécessaire. Le 14 juillet, Il entreprit alors une marche à pied vers Rome, qu’il vécut comme un pèlerinage, empruntant d’ailleurs le chemin traditionnel des pèlerins qui allaient à la ville sainte. Il raconta ses 40 jours de marche sur le blog mis à sa disposition par un ami de Genève, Michaël Blum « La voix de Pascal Vesin sur le web » ( lien) Il fut reçut brièvement par la Congrégation de la doctrine de la foi pour se voir répéter le règlement en absence de tout dialogue, et il attendit d’être reçu par le pape, en vain. De retour à Megève, il est en attente d’un entretien avec l’évêque d’Annecy.
Nous avons publié le 1er octobre sur le site « Unitariens francophones » du Conseil des unitariens et universalistes français (CUUF), un « Manifeste pour le droit à la pluri-appartenance spirituelle », lien (qui a été traduit et publié en italien par Giacomo Tessaro) et qui est déjà signé par une quinzaine de personnes. Nous vous invitons à le signer aussi. D’autres articles pourront être accueillis sur ce même site à la rubrique « la pluri-appartenance » (lien).
Une personnalité christique :
en réponse au message d’un couple de paroissiens de ce prêtre au sein groupe « Comité de soutien au prêtre Pascal Vesin » le 25 juillet 2013, : « (…) avec Pascal , restons confiants dans la force de l’Esprit qui guide les pas de Pascal vers le pape François et qui entend la prière et l’Espérance de tous ceux qui le soutiennent, et qui soutiennent toutes les personnes ouvertes, tolérantes et libres dans leurs choix. Et cette liberté, elle est au coeur même du message évangélique. »
Jean-Claude Barbier : « Oui, Pascal Vesin a quelque chose de Jésus : cette foi dans l'Esprit saint, cette utopie qui s'imagine renverser les montagnes envers et contre tous, ce cheminement à la fois spirituel et physique où les gestes ont autant d'importance que les paroles, ce caractère solitaire, aussi, du meneur d'hommes et de femmes ... Je comprends que vous l'aimez ».
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