Les catholiques réformateurs et progressistes en rêvent afin de relancer l’espoir suscité par Vatican II, de continuer les réformes nécessaires, de stopper cette Restauration commencée par Jean-Paul II et affirmée par Benoît XVI depuis le début de son pontificat. En prévision, un grand rassemblement à Rome pour le 50ème anniversaire de l’ouverture de Vatican II.
Aux Etats-Unis, le mouvement American Catholic Council a invité les catholiques à constituer des ateliers locaux, des assemblies community network, et celles-ci viennent de tenir leur première assemblée nationale ce week-end de la Pentecôte à Detroit, avec pas moins de 1 800 participants. Jean-Pierre Schmitz, co-président de la Fédération des réseaux du parvis (France), a envoyé un message de solidarité (lien).
vitrail représentant le Saint-Esprit et le feu de la Pentecôte, vu sur le site de l'American Catholic Council.
Mais le miracle de Vatican II peut-il se reproduire ? Il faudrait pour cela un pape du caractère de Jean XXIII, capable de prendre à contre-courant la puissante Curie romaine. Les conciles de l’Eglise catholiques, à l’exception de Vatican II, ont tous été très marqués par le conservatisme sinon la réaction face à l’évolution des moeurs, la condamnation des nouveautés et des « hérésies », le renforcement des pouvoirs de la papauté (jusqu’à proclamer le dogme de l’infaillibilité pontificale lors de Vatican I, lien). Avec un épiscopat noyauté depuis Jean-Paul II par des éléments conservateurs, on voit mal comment un nouveau concile pourrait accouché d’un souffle nouveau.
Enfin, la déchristianisation touche principalement l’Europe occidentale, le Canada et l’Australie, et n’est pas encore un phénomène mondial ; les autres pays restant très croyants. Les évêques de ces pays seraient alors vite isolés sur des thèmes comme l’élargissement du recrutement du clergé à des hommes mariés (sans parler des femmes et des homosexuels !). Pire, les croyants de ces pays « croyants » sont très conservateurs, peu enclins à voir les femmes accéder aux ministères et volontiers homophobes. Rappelons aussi que Paul VI avait amputé le concile en se réservant le thème de la morale sexuelle ; un Vatican III ne manquerait pas de subir le même sort, avec des pans de sujets réservés enore plus importants. Et puis, rappelons aussi que les résultats d'un concile ne sont valables que si ses décisions sont entérinés par le pape.
Par les temps qui courent, un Vatican III ne risquerait-il pas de consacrer la déroute des progressistes ?
Alors, comment l’Eglise catholique romaine peut-elle bouger ? Les synodes diocésains sont aussi bien limités car Rome interdit d’y débattre des questions d’ensemble de l’Eglise (lien). Les synodes romains sont trop dépendants de la volonté du pape lequel est libre de donner suite ou non (lien). Il reste les conférences nationales, mais jusqu’à présent peu portées à la résistance !
Toutefois, avec la crise des vocations et l’impossibilité des diocèses d’Europe occidentale à faire face au manque de prêtres à cause des interdits romains, on peut s’attendre à des remises en cause de ces interdits. L’affrontement inévitable se fera sans doute en sourdine, puis pourra évoluer en faveur d’une plus grande autonomie de ces conférences nationales. Que peut faire en effet un pape en face d’une conférence nationale épiscopale qui ferait preuve d’unité et qui refuserait ses dictats ? Certes la culture de l’opposition à Rome n’existe pas encore, mais le gallicanisme pourrait très bien renaître de ses cendres. On parlerait alors de « décentralisation » !
Attendons encore un peu pour voir comment cette Eglise s’écroulera d’elle-même en Europe occidentale et dans quelques autres pays. La politique de regroupement paroissial est arrivée à son terme et, le clergé vieillissant, s’avère impuissante ; la relève par les laïcs est confinée aux tâches subalternes à cause des interdits romains ; quant à la « nouvelle évangélisation » dont Benoît XVI fait grand cas comme d’une solution miracle, on voit mal le succès de ce prosélytisme qui vise à rappeler les dogmes et les positions d’une Eglise à contre-courant de l’évolution des mœurs et de plus en plus autiste (lien).
Ceci dit, l’Eglise catholique romaine n’est pas la seule Eglise chrétienne … Et puis son destin n’est-il pas de servir de refuge à une foi traditionnelle, maternisante, dogmatique, archaïque, sensible à une liturgie cérémonielle quelque peu désuète, apte aux fêtes familiales qui accompagnent les étapes de notre vie : baptême, mariage, enterrement ?
Pour les catholiques réformateurs et progressistes de ces pays, n’est-il pas urgent de penser à des espaces alternatifs afin d’y vivre une foi plus moderne, de consacrer une partie de leurs forces à leur organisation. On peut penser à des paroisses libres comme celle de Bruxelles (voir notre rubrique "communautés religieuses en débat", lien), voir à des diocèses libres sur la toile comme celui de Partenia (lien).
Déjà de nombreux catholiques vivent leur foi au sein de mouvements qui n’ont plus de lien avec la hiérarchie ; ils sont en marge, dans une indépendance revendiquée, se référant à l’Evangile. Ils se retrouvent en France au sein de la Fédération des réseaux du Parvis (lien), laquelle fédération réunit aussi d’autres mouvements qui, eux, maintiennent des relations avec les évêques lorsque ceux-ci font preuve d’ouverture ; et en Belgique, au sein de Pour un autre visage de l’Eglise et de la société (Pavés, lien). Mais en attendant un pape providentiel comme Jean XXIII et un concile qui, en esprit, fasse suite à Vatican II, ces catholiques arriveront-ils à offrir une alternative valable à tous ceux qui décrochent de la pratique religieuse ...