Les connaissances accumulées par les historiens concernant les cathares ne rendent-elles pas désormais possible une résurgence cultuelle cathare ? Non point du « néo-cathare » - ce qui supposerait que la tradition est perdue et qu’il faut en récréer une par reconstruction – mais bel et bien du « cathare » proprement dit.
L’idée est en tout cas dans l’air puisqu’une « Eglise de Dieu cathare » a fait son apparition sous la forme d’un site de la plate-forme Skyrock en avril 2010 à l’initiative du Frère G.H. et de Soeur Célia-Violaine (lien). Pour l’instant, une association cultuelle selon la loi de 1905 a été déclarée et le site présente déjà 9 articles. Sœur Célia-Violaine se déclare « évêquesse » de la communauté orientale de cette Eglise.
Toutefois, ce site, pour l'instant, n’organise pas d’activité cultuelle ni même un espace de méditation et ne fonctionne pas comme le lieu de rencontre d’une assemblée comme l’ont fait par exemple les unitariens francophones avec l’Eglise unitarienne francophone (lien), fondée en juin 2008. Or, lancer une Eglise suppose qu’il y ait effectivement une communauté qui se réunit physiquement ou à défaut sur la Toile. Il s’agit donc plutôt d’un appel et d’un projet ; la dernière actualisation du site date de juin 2010.
Ce lancement d’Eglise s’accompagne ici d’une affirmation confessionnelle : il y aurait, selon ses promoteurs, une voie « orientale » distincte et sensiblement différente de celui des « Albigeois » : moins radicale dans le dualisme, acceptant les évolutions par rapport aux origines (1), prenant ses racines dans la communauté essénienne de Qumran (donc antérieure au gnosticisme chrétien de la fin du 1er siècle) et dans un gnosticisme « alexandrin » plus « mitigé » et moins « absolutiste » (2) que celui des Albigeois, etc.
« Nous pensons sincèrement que le catharisme albigeois n'est pas un schisme en soit du catharisme oriental, mais une autre approche du Catharisme dont l'origine se précise avec les recherches, mais dont on pense que c'est Nicétas, évêque bulgare qui, en passant en Italie et dans les Balkans s'est converti au Drugonthisme (absolutisme), et qui entre 1170 et 1180 a établi l'Albigéïsme en Occitanie. » (Célia-Violaine).
On est donc en pleine « diversité cathare ». Nous laissons bien entendu aux spécialistes le soin de vérifier ces origines, filiations et héritages et de mesurer le degré des différences (3).
(1) « L'église de Dieu cathare, dont la communauté orientale se présente comme l'héritière du gnosticisme alexandrin, prône une évolution des mœurs et des attitudes car, dit-elle, nous ne pouvons vivre comme nos ancêtres du Moyen-âge. » (Frère G.-H.)
(2) les Albigeois seraient « dyarchiens » et le gnosticisme alexandrin serait « monarchien ».
(3) entre autres, le prêtre alexandrin Arius (256-336) nous semble curieusement embauché dans ces enjeux gnostiques, alors qu’il est connu pour le débat trinitaire (pour lui, le Christ est Dieu, mais reste subordonné à Dieu le Père).
Dans ce cas là, faut-il donc faire une Eglise confessionnelle – l’Eglise cathare orientale - quitte à ce qu’il y ait place à une Eglise « occidentale » ? C’est une solution à la protestante : à chaque Eglise sa confession de foi et ses croyances spécifiques. Ou bien en rester à une Eglise latitudinaire (voir notre article « les Eglises entre exclusivisme et inclusivité », lien) qui, comme l’Eglise réformée française (ERF) admet plusieurs théologies voisines ; une sorte de tronc commun acceptant au-delà les spécificités, voire les différences ? Les unitariens ont une bonne expérience de cette gestion des diversités, surtout au niveau de leurs congrégations unitariennes-universalistes qui prônent l’interfaith *
* l’Eglise unitarienne francophone (lien) s’inspire en partie de cette expérience et admet elle aussi toutes les fois et sagesses dès lors qu’il y a échange et partage des identités des uns et des autres ( lien).
A ceux qui se réfèrent au catharisme, bien entendu, d’en décider, mais avec cette initiative de Frère G.H. et de Sœur Célia-Violaine la question est mise sur le tapis. Les unitariens ne peuvent que souhaiter bonne chance et bonne organisation à la résurgence cathare.