Demander l’abrogation de la lapidation, considérer le ramadan comme optionnel non seulement selon les possibilités physiques de la personne (car la coutume musulmane dispense déjà certaines personnes trop faibles) mais aussi selon le désir et l’engagement du fidèle, laisser au même fidèle le choix du moment de la journée où il est disponible et disposé à la prière, voilà des propositions réformistes qui détonnent par rapport à l’orthodoxie musulmane. Abdennour Bidar, philosophe musulman, ose avancer de tels propos dans les colonnes du Monde du 30 août 2010 : « La lapidation, preuve extrême de la logique de violence de l'islam ».
Serait-il donc comme Jésus qui, en son temps, disait que c’est l’homme que Dieu considère et non pas les rites en eux-mêmes, sabbat inclus ? Et l’Histoire donna raison au prophète contre les pharisiens et les scribes qui surveillaient âprement chacun de ses gestes et chacun de ses pas.
Certes les religions évoluent doucement, parfois (très) en retard sur la société civile. Peut-on accélérer cette adaptation par des réformes ? En faisant entrer l’attention à la personne, à son itinéraire, à son rythme, à sa conscience, A. Bidar préconise ni plus moins un islam libéral qui cesse avec l’absolutisme des préceptes humains et des rites obligés. Il en appelle à l’engagement personnel du croyant et non plus à son obéissance aveugle. Il reste bien entendu la transcendance de Dieu ; mais c’est alors la seule transcendance – non associée pour reprendre une expression chère à l'islam !
« Il ne s'agit pas de condamner ces pratiques rituelles - jeûne, prière, pèlerinage - en tant que telles. Elles peuvent offrir un support efficace au besoin éprouvé par tel individu de mener une vie spirituelle (étant bien entendu que celle-ci peut aussi se conduire hors de tout champ religieux).
Mais qu'est-ce que les musulmans attendent pour les déclarer libres ? Contrairement à l'objection courante, cela n'atomiserait pas la communauté, mais la ferait passer de l'état clos de l'uniformité à l'état ouvert de la diversité. Et contrairement à une autre objection, cela ne détruirait pas l'autorité de Dieu, mais obligerait chaque conscience à aller chercher cette voix divine dans sa propre intériorité. Enfin, cela permettrait à l'islam de sortir de sa logique générale de radicalité et de violence dont la sentence de lapidation contre laquelle nous nous insurgeons aujourd'hui n'est qu'un extrême.
Si cette culture religieuse de l'islam ne change pas, elle continuera de se déconsidérer aux yeux du monde.(…) ».
C’est toute une Réforme, loin du fondamentalisme. Mais qui la mènera ? L’islam n’a ni synode, ni concile, ni instance mondiale, ni chef spirituel au-dessus de la mêlée, et les communautés de base sont plutôt conservatrices. Il n’a pas été touché par la Renaissance, les philosophies du Siècle des lumières, ni les déclarations citoyennes de l’Indépendance américaine et de la Révolution française. A l’horizon, aucun mouvement connu qui puisse être porteur d’un tel programme. Il reste les prophètes, ce que font des intellectuels musulmans dits « laïques » comme A. Bidar, dont on peut apprécier sans réserve le courage.