Comme toute idéologie, le progressisme est volontariste et militant. Il attire à lui car il invite au progrès, au dépassement des moeurs et des coutumes jugés archaïques, à l’ouverture aux influences étrangères estimées plus évoluées, plus « modernes ». Il est généreux, voulant le mieux être de toute l’Humanité. Il défend des valeurs qu’ils jugent universelles. Il milite pour les combats dits « de Gauche », mais il est très largement partagé par beaucoup de gens qui peuvent voter à Droite. A son actif, on lui doit historiquement de grands et longs combats et des progrès décisifs. Toutefois, comme toute idéologie ne doit-il pas être soumis à la critique de la raison ?
Des succès parfois mitigés
Le divorce, oui, mais quid de l’instabilité matrimoniale qui fait souvent d’un mariage une comédie humaine de courte durée ! L’avortement, certes oui, mais quid des avortements à répétition qui sont pratiqués par certaines jeunes filles comme contraception ! La suppression de la peine de mort, mais que fait-on des récidivistes dangereux ! Le traitement médicamenteux des violeurs, mais que fait-on lorsqu’ils refusent ou cessent leur traitement ? Etc. Tout se passe comme si les progressistes abandonnaient la partie dès que la loi était votée, comme s’ils s’en désintéressaient après l’acquis, volant au secours d’autres causes, et occultant les incidents de parcours. Pas de service après-vente ! Ce sont des conquérants qui ne doutent pas des bienfaits de leurs victoires et non point des gestionnaires …
Parfois, la négation des réalités
Volontariste, désireux de modifier l’état des choses, dénonçant les mentalités installées, le progressisme en oublie de tenir compte des réalités. Il s’enfonce alors parfois dans des négations qui font fi à la fois du bon sens et des connaissances scientifiques.
Tour à tour on nous a doctement expliqué que tous les bébés naissaient égaux en intelligence et que c’étaient les milieux sociaux plus ou moins aisés, plus ou moins cultivés, qui faisaient toute la différence ; or les tests d’intelligence montrent des différences énormes et que les petits Mozart existent tout autant dans les milieux pauvres – l’observation courante le savait déjà fort bien.
On nous a aussi expliqué, toujours doctement, que le caractère, lui aussi, dépendait tout entier de l’éducation, mais force est de reconnaître que, au sein d’une même famille, la diversité existe bel et bien et est parfois extrême. La génétique nous explique d’ailleurs comment chaque individu résulte effectivement d’une combinaison particulière à partir des gènes transmis par les parents. Les études actuelles sur le monde animal vont dans le même sens.
Les théories anglo-saxonnes du « Gender » - le Genre en français – partant du constat que les valeurs traditionnelles d’une société et la culture influencent notre façon de vivre notre sexualité – ce qui est tout à fait vrai – en arrivent à nier tout substrat biologique, comme quoi ce serait la façon d’élever nos enfants et nos choix culturels qui détermineraient notre orientation sexuelle. Dans certains milieux féministes on éduque désormais les enfants en prenant soin d’éviter toute « discrimination », d’une façon indifférenciée par rapport au sexe de l’enfant : plus de rose ni de bleu, mais aussi plus de robes pour les filles et surtout plus d’armes pour les garçons ! et ces derniers obligés de faire pipi assis sur la cuvette des WC et invités à jouer avec les poupées.
On nous a prédit la fin du patriotisme, des appartenances particulières ; on nous a invité à une universalisation de la citoyenneté, et voilà que des rebelles identitaires se multiplient allant jusqu’aux drames liés à des immigrations mal digérées (affaire Mérah en France, affaire des deux frères tchétchènes à Boston aux Etats-Unis, etc.). Apprenons plutôt à mieux vivre nos identités héritées ou choisies et à vivre ensemble avec nos différences.
Au nom de la liberté, le progressisme veut accepter tous les mouvements, toutes les organisations, mais voilà que les courants les plus sectaires, les plus extrémistes, et les terroristes de tout poil s’engouffrent dans la brèche, révélant ainsi la fragilité de nos systèmes démocratiques libéraux.
La permissivité libérale
L’individu est roi, à commencer d’ailleurs par les enfants, et bien sûr les élèves dans nos établissements scolaires. Haro sur l’autorité qui est tout de suite soupçonnée d’être excessive, d’avoir enfreint les droits élémentaires (ce qui s’avère vrai dans certains cas, mais ce qui, de loin, n’est pas « automatique »). La répression est condamnée et les récidivistes ont toujours le droit à une nouvelle chance, sinon plusieurs ! Les droits à ceci et à cela se multiplient et on n’ose plus parler des devoirs, ce qui est une rupture du contrat social tel que le concevait par exemple Jean-Jacques Rousseau. Bien sûr, on condamne les excès trop voyants ; mais on se garde bien de réformer le système mis en place malgré ses ratées et d’exiger concrètement leurs devoirs aux citoyens.
L’effet de mode
Si vous ne suivez pas la mode, vous êtes classé comme ringard, conservateur, réactionnaire, etc. L’évolution des mœurs – quelle qu’elle soit – est non seulement permise, mais encouragée, valorisée comme espace d’innovation. Suivre devient une nécessité, indépendamment du contenu. C’est ainsi qu’on trouve toujours de bons arguments pour autoriser la prostitution, la consommation de drogues, la pornographie, le matraquage publicitaire poussant à la consommation, etc. Le profil de « bobo » s’est installé dans les milieux urbains, toujours plus à Gauche que les autres malgré son standing aisé.
La diabolisation des réfractaires
Gare à ceux qui ne marchent pas dans le même sens ! Le courant progressiste se veut populaire, au nom du peuple, et ne peut pas accepter que certains traînent les pieds, fassent des objections, voient autrement. Ils sont tout de suite traités de tous les noms. Cela devient une marche forcée ! Or, les changements de mœurs souhaitables et souhaités font l’objet de propositions et l’on entre alors dans une phase politique. A ce niveau, il est bien normal de discuter en toute démocratie des meilleures solutions, de celles qui peuvent être acceptées par la majorité des gens, qui ont des chances de durer. Le progressiste n’en a cure et va de l’avant, au pas de charge, quitte à scinder la société en deux. Il suit son évidence qui est celle – pense-t-il – des droits universaux … et qu'il veut imposer à tous et à toutes au nom d'une égalité des droits qu'il assimile à une uniformisation des statuts.
Aux partisans du « mariage pour tous », les veilleurs pour la famille, qui se réunissent chaque soir sur les Invalides à Paris et dans d'autres espaces verts en province, opposent une action non-violente (en rupture avec les catholiques intégristes de Civitas) pour exprimer leur attachement au droit des enfants à avoir un père et une mère qu’ils connaissent (et si possible avec qui ils puissent vivre). Valeurs refuge diront les progressistes. Quoiqu’il en soit, il est possible que la vague libertaire partie des révoltes estudiantines de 1968 marque le pas et que le balancier de l’Histoire reparte dans l’autre sens. Tout courant social, même les mieux intentionnés, s’accompagne en effet d’excès et d’effets pervers qui suscitent une réaction, d’où cette dynamique de balancier qui appelle à un rééquilibrage. On aurait tort de la sous-estimer. Ndlr - ajout du 4 mai 2013 : ces manifestations persistent bien après que la loi ait été votée et s'amplifie à Paris et dans des villes de province, voir le journal La Croix (lien).
En voulant élargir le mariage actuel aux couples homosexuels, le gouvernement français a touché à ce que de nombreuses personnes considèrent – à tort ou à raison - comme un fondement de notre société, d’autant plus que – en filigrane – se profile la légalisation à plus ou moins long terme des mères porteuses et des pères relégués au statut de simples géniteurs. Des voix isolées ont pensé qu’il eut mieux valu faire un statut matrimonial adapté aux seuls couples homosexuels, compte tenu de leur spécificité, lequel aurait certainement été mieux accepté.
Il ne nous appartient pas bien sûr de dire qui a tort ou qui a raison tant le débat est complexe et qu’il y a des arguments valables des deux côtés. Mais constatons que, parmi les manifestants, il y a une très forte majorité de jeunes. Sont-ils catholiques, chrétiens évangéliques, bourgeois, conservateurs, réactionnaires, extrémistes ? Le journal La Croix remarque que cela fait penser aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) que le pape catholique arrive à mobiliser lors de grands show internationaux – et que les jeunes mettent d’abord à profit pour le plaisir de se rencontrer entre eux ; on peut penser aussi à la reprise des pèlerinages qui drainent bien au-delà des seuls croyants.
Est-ce une « nouvelle Droite décomplexée » cette fois-ci hors parti, en quelque sorte populiste, indépendante, branchée directement sur Internet ? Je dirais volontiers qu’ils sont d’abord eux-mêmes, qu’ils ne se laissent pas conter par les partis politiques et les organisations religieuses, qu’ils ne sont pas blasés ni indifférents, qu’ils sont capables d’indignation, de faire la fête autour de valeurs qui leur sont chers, de persévérer dans l’action. Une émergence qui a surpris bien des observateurs ; qui s’amplifie au nez et à la barbe des médias qui y sont majoritairement très défavorables ; certains parlent même de vague.
En tout cas, la Non-violence est pour tout le monde et nous ne pouvons que saluer cette forme de manifestation pacifique (indépendamment de son contenu) en espérant qu’elle pourra contribuer à mettre fin aux dérapages violents et aux actes odieux d’homophobie qui sont survenus ces dernières semaines.
Comme tout article d’auteur, je n’engage que moi-même dans ce texte. Jean-Claude Barbier