par Jean-Claude Barbier
1 - En premier parce que l’égorgement des animaux sans assommage préalable est une pratique cruelle qui date d’un autre temps. Aujourd’hui, grâce à l’assommoir électrique, on peut réduire la souffrance des animaux. Je ne vois pas au nom de quoi, on refuserait ce progrès technique.
2 - Dans la Bible, le sang est considéré comme le siège de la vie et donc appartenant à Dieu seul, source de toute vie ; en conséquence l’homme ne doit pas le consommer car il est réservé. Passer outre, c’est commettre une impureté rituelle – qui bien entendu n’a rien à voir avec notre actuelle notion hygiéniste ; c’est vouloir s’égaler à Dieu par appropriation de la Vie (comme, Adam et Eve voulurent s’approprier la connaissance du Bien et du Mal en mangeant du fruit « interdit », que Dieu s'était réservé). Le Coran a tout simplement embrayé. C'est parfaitement compréhensible, mais cela relève de civilisations antiques.
3 - De nos jours, mettre cela sur le dos de Dieu sans plus d’explication c’est rendre Dieu tribaliste (ce qu’il est malheureusement aux yeux de nombreux croyants qui prétendent que Dieu soutient leurs causes et que, eux, ils agissent en son nom) et totalement arbitraire. C’est le rendre aussi parfaitement stupide car incapable d’expliquer la raison de telle ou telle prescription. Cela est en tout cas incompatible avec un Dieu créateur car on ne comprendrait pas pourquoi Dieu aurait créé des animaux « à part » des autres. Enfin, ce serait un Dieu pour un seul peuple élu, contre les autres peuples décrétés « infidèles » (« païens »).
4 – S’y ajoute une notion de pur (un rituel qui consacre un animal consommable) et d’impur (les autres animaux non consacrés !), qui coupe le monde en deux, avec le rejet non seulement de ce qui est décrété impur, mais de tous ceux qui touchent ou consomment des impuretés ! Cela se traduit sur le plan social par l’impossibilité d’inviter à sa table ou d’accepter les invitations des autres. De là un communautarisme absolu, exacerbé. Au sein d’une même famille mixte, cela devient fort complexe, sinon impossible, dès lors qu’un des membres veut suivre les règles strictes : que faire par exemple d’une poêle qui a servi à cuire une côte de porc ? Et il n’y a pas de négociation ou d’arrangements possibles car ces règles sont absolues puisque d’injonction divine.
5 – Par souci de rentabilité économique, de nombreux abattoirs se sont mis à produire directement de la viande casher ou halal en se dispensant d’assommer au préalable les animaux, desservant ainsi indifféremment le marché casher et halal (en précisant sur les étiquettes) et le marché général, à l’insu des consommateurs. Par ce biais, les communautarismes imposent leurs particularismes bien au-delà de la sphère religieuse. Dès lors, les consommateurs sont en droit d’exiger qu’il y ait traçabilité du produit en ce domaine.
8 – Pourtant des médecins mettent en garde sur le fait que trancher la gorge des animaux entraîne non seulement l’écoulement du sang, mais AUSSI celui des nourritures malaxées dans l’estomac, ce qui n’est pas sans véhiculer de nombreux microbes (dans le cas des abattages réglementaires, on noue l’œsophage afin d’éviter précisément cet écoulement).
6 – On se demande comment et pourquoi les communautés juives et musulmanes ont pu obtenir des dérogations à la législation européenne concernant l’abattage des animaux. Que je sache, cela s’est fait en catimini, sans débat au niveau de l’Assemblée nationale et du Sénat, du moins en France !
7 – On constate la défaillance des Etats qui n'ont pas le nombre suffisant de vétérinaires inspecteurs pour aller sur place contrôler les abattoirs suspectés de telles pratiques.
8 – Défaillantes aussi les opinions publiques qui sont tétanisées dès lors que l’on ose « toucher » aux religions même lorsque celles-ci se mettent hors la loi.
Paradoxalement, alors que certains crient à la discrimination des minorités religieuses lorsqu’on veut faire appliquer les lois civiques, ce sont ces mêmes minorités qui, dans les faits et sans état d'âme, imposent leur communautarisme aux autres : plus de viande porcine au bord des avions et dans certaines cantines d’entreprises ; restaurants de grande consommation qui se déclarent « halal » et ne servent plus d’autres viandes ( lien) ; embauches sur des critères religieux « orthodoxes » pour des organismes qui, pourtant, ne sont pas déclarés comme des établissement confessionnels ; abattage des animaux sans assommage préalable avec la complaisance des acteurs économiques ; pénalisation des critiques adressées aux religions car considérées comme autant de blasphèmes (en cours d’être avalisée au sein de l’UNESCO, cheval de Troie en ce domaine !) ; laissez faire au nom de la liberté religieuse de prêcheurs intégristes.
Bref, un phénomène de coucouisme tout à fait classique dans des sociétés molles non averties de la propagation de ce genre de dynamique religieuse.
Par contre, la même opinion publique et souvent les mêmes meneurs tardent à reconnaître les droits parfaitement légitimes des nouvelles communautés religieuses, notamment bouddhistes et musulmanes, en lieux de culte.
"La vision de Saint Pierre à Joppé" par Federico Zuccaro.
Les chrétiens, à la suite de Pierre l’apôtre, ont rompu avec cette vision archaïque de consommer les viandes. Pierre eut la vision d’une nappe qui descendait du ciel :
« Il y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la cohorte Italique. Pieux et craignant Dieu [étranger sympathisant de la religion juive], ainsi que toute sa maison, il faisait de larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse.[…] Pierre monta sur la terrasse, vers la sixième heure, pour prier. Il sentit la faim et voulut prendre quelque chose. Or, pendant qu’on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il voit le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit, alors : « Allons, Pierre, immole et mange ». Mais Pierre répondit : « Oh non ! Seigneur, car je n’ai rien mangé de souillé ni d’impur ! ». De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle : « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé ». Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l’objet fut remporté au ciel. » (Actes des apôtres, 10, 9-2 et 9-16 ; lire l’ensemble de ce chapitre 10, lequel se termine par le baptême des « paiens » qui ont reçu « l’Esprit Saint », bible de Jérusalem).
"La vision de Saint Pierre" par Philippe Galle 1537-1612 (graveur)
d’après un dessin de Jan Van Der Straet, 1523-1605,
gravure datée de 1575, 1582. Bibliothèque municipale de Lyon.
Dans un société en proie à des polémiques incessantes, il suffit qu’un parti politique s’empare d’un sujet pour que les autres disent le contraire et s’accusent mutuellement de stratégies électoralistes ; ce qui fait que les débats tournent vite en rond ! Les Actualités unitariennes n’ont pas attendu cela pour dénoncer la souffrance animale à grande échelle dans le cadre de nos industries alimentaires, ni le danger discriminatoire des notions de purs et d’impurs introduites dans nos sociétés modernes par des archaïsmes religieux. Voir nos rubriques « la défense des animaux » (lien) ; et notre article « L’Europe entre islamophobie et islamophilie (6) – le pur et l’impur » (lien)
Parmi les émissions documentaires récentes de grande audience et sur le sujet, signalons sur France 2 « Envoyé spécial » du jeudi 16 février 2012 avec un reportage sur les abattoirs d’Ile-de-France. Depuis, les administrations responsables sont dans tous leurs états (sur le grill pourrait-on dire !), avec dénégations à la pelle jusqu’au niveau du ministère de l’Intérieur ; de son côté, le Front national s’est emparé de l’affaire avec son style habituel !
Defendons nos animaux contre les religieux obscurantistes !