Nos identités citoyennes sont multiples et la plupart d’entre elles s’emboîtent comme des poupées gigogne.
Pour certains, l’identité commence avec la grande famille, parce qu’elle est aristocratique avec un titre, un blason, des lieux (comme un château) et des faits historiques, une longue généalogie ; ou encore parce que la lignée roturière comporte des noms célèbres ; ou encore parce que la famille est capable d’organiser des « cousinades » ou tout simplement de faire preuve d’une belle cohésion lors des soirées de Noël ou à d’autres occasions. Des patronymes sont ainsi portés avec fierté.
On peut aussi aimer son village, sa cité, sa région, le milieu qui nous a vu naître et au sein duquel on a ses points de repères. On y revient avec plaisir, avec nostalgie. On en a le goût du patrimoine avec ses paysages, sa gastronomie, ses fêtes locales, sa paysannerie et ses artisans, les accents de son parler.
Au-delà, commencent des entités plus larges : l’ethnie au contenu culturel (une langue, une religion, une histoire) ou une ancienne entité politique dont on a précieusement conservé mémoire et vestiges (une province, un comté, un royaume ancien).
L’Etat national est enfin un niveau important puisque la vie moderne lui donne un rôle de premier plan dans les relations internationales et dans la régulation interne entre ses citoyens. C’est aussi un lieu de débat, de décisions, d’empoigne même au vue d’enjeux où s’affrontent des points de vue différents, souvent antagonistes. Etats nationaux ou bien encore des fédérations ou confédérations qui ont un gouvernement central comme le « Royaume-Uni », les « Etats-Unis », les « Emirats Arabes Unis », la Confédération helvétique, etc.
On peut continuer avec les constructions communautaires pluri-étatiques (ou ensembles régionaux) en voie de fédéralisation comme la Communauté européenne, ou encore se référer à des ensembles culturels (la civilisation européenne), linguistiques (la Francophonie) et où religieux (la Ligue des pays arabes, le pan-islamisme), etc.
On a le choix !
L’identité est vécue à la carte. Certains peuvent en effet sauter une échelle : par exemple négliger son ancrage local pour un destin uniquement national, ou au contraire privilégier son ethnie et contester son rattachement à une entité nationale, ou encore défendre la souveraineté nationale de son pays contre les constructions fédérales ou confédérales, etc.
L’identité civique n’est pas obligatoire. Des courants philosophico-politiques s’emploient à la nier.
Pour l’anarchisme, seule la personne est souveraine et doit décider de son propre sort, éventuellement sur la base d’un contrat social avec d’autres personnes de même philosophie.
Depuis les débuts de l’industrialisation, le libéralisme économique qui s’ensuit prône la libre circulation des produits et des personnes, l’ouverture du capital d’une entreprise à l’argent international, il est en concurrence avec les circuits de proximité qui valorisent la production locale ; il prône la grande distribution seule capable d’écouler les biens qu’il fabrique quitte à étrangler, du fait de la concurrence des prix, les petits producteurs.
Le socialisme utopique puis le marxisme léninisme nient les entités culturelles (pour eux vestiges résiduels d’un féodalisme antérieur) : seules sont dorénavant valables l’appartenance à une classe sociale.
Le pacifisme quant à lui refuse toute participation aux guerres nationales, dénie toute valeur au patriotisme, à la défense nationale d’un territoire soit par conviction religieuse ou morale (l’objection de conscience) ou bien parce que ce serait jouer le jeu des impérialismes économiques et des puissants de ce monde qui tirent les ficelles à leur profit et au détriment des peuples (mais – paradoxalement ? - les guerres d’indépendances nationales contre un colonisateur sont encouragées, financées et armées).
L’universalisme secondarise les identités civiques ; il nous invite à nous sentir d’emblée des citoyens du monde … et à nous sentir partout chez nous. On peut se déclarer apatride afin d’être plus universel. Cet universalisme a commencé avec les grands monothéismes, même si ceux-ci sont ensuite entrés en concurrence. Il n’y a plus ni Juifs, ni Grecs, ni « païens » disait déjà Paul.
Au jeu des identités civiques, culturelles ou religieux certains dénient celle des autres : ce sont les « Barbares », les « non civilisés », les « païens », etc. Ou encore s’attribuent le prix d’excellence : leur identité serait meilleure, supérieure, seule porteuse d’avenir, etc. En cela, le nationalisme est un patriotisme exacerbé et qui en dénature le sens. De même l’islamisme par rapport à l’islam ; et d’une façon général les positions sectaires et les sectarismes.
Enfin, certains ne souhaitent pas cohabiter avec d’autres ; c’est le chacun chez soi des communautarismes. Chaque communauté ethnique et/ou religieuse reproduit son propre milieu, sa société d’origine dans le pays d’immigration qui les accueille, applique ses propres lois ou les exige, refuse les «étrangers» ou leur rend la vie impossible dans les ghettos qu’ils constituent, dans les clans et les filières qu’ils mettent en place, pratique allègrement un racisme qui se pare des vertus du contre racisme, etc.
Pas simple le vécu des identités !
à suivre ...