Jean le baptiseur, fresque de la chapelle Saint Jean-Baptiste à Clans dans les Alpes maritimes, qui a été magnifiquement décorée par Patrick Moya.
Les feux de la Saint-Jean vont s'allumer ce soir pour célébrer, d'une façon toute païenne, le soltice d'été. Parmi les très nombreux saint Jean, il s'agit de Jean-le-Baptise que la tradition chrétienne a placé à ce moment crucial de l'année liturgique.
Mais pourquoi Jean le baptiseur ? Les premiers chrétiens considérèrent que ce Jean là avait annoncé la mission de Jésus, lequel fut semble-t-il, dans un premier temps, son disciple. Jésus lui-même se mit à baptiser également dans le Jourdain avant d'être prêcheur itinérant des chemins de Galilée et le thaumaturge que nous connaissons. Tous deux avaient fréquenté la mouvance essénienne ou du moins avaient été en contact avec elle.
Cette tradition chrétienne (qui n'engage qu'elle car, si des disciples de Jean-le-baptiste suivirent le nouveau venu, d'autres ne le firent pas), se réfère à deux très beaux textes messianiques du Premier testament :
Le prophète Malachie : ”Me voici [c'est Dieu qui parle], j'envoie mon messager, il déblayera la route en face de moi. Soudain, il viendra dans son palais [car le messie restaurera la royauté d'Israël] , l'Adôn [le maître d'un domaine, le seigneur au sens féodal du terme] que vous demandez, le messager du pacte [l' “alliance” contractuelle avec Dieu] que vous désirez. Voici, il vient ! Dit IHVH [le tétragramme qui désigne Dieu dont le nom personnel ne doit pas être prononcé par respect] Sebaot [des Armées]”, texte daté des environs de 460 ans avant J.-C. , Ml 3,1, traduction A. Chouraqui.
Ce messager préparant la venue de IHVH pour le Jugement a été identifié dans la tradition juive au prophète Elie. La tradition chrétienne l'attribue à Jean-le-Baptiste mais au prix d'une manipulation du texte original, passant du je au tu : “Voici, j'envoie mon messager devant tes faces [pluriel littéraire] : il aplanira ta route“.
Et le texte attribué au “second” Isaïe (annonçant le réconfort de Dieu après l'exil babylonien, exil qui eut lieu en 538 av. J.-C.) : “Voix du crieur : Au désert, frayez la route de IHVH ; redressez dans la steppe un sentier pour notre Elohîm ! [El = Dieu, Elohîm est une forme pluriel de majesté]. Tout val sera relevé, toute montagne et colline seront rabaissées ; la sinuosité sera plane, les crêtes, une trouée ! La gloire de IHVH se découvre ; toute chair ensemble, ils voient ; oui, la bouche de IHVH parle“, Is. 40, 1-5, traduction A. Chouraqui. Là aussi, c'est la route pour Dieu et non pas celle de son messie (= celui qui est oint par Dieu, son oint ; en grec = christ).
Dès lors, Jean-Baptiste considéré comme précurseur de Jésus-Christ, précède le Messie dans le calendrier : à partir du soltice d'été (ce 21 juin) les jours déclinent jusqu'au soltice d'hiver. Jésus qui est devenu (au cours des premiers siècles) un Christ cosmique régnant sur l'Univers, qui est la Lumière de ce Monde, fera renaître le soleil, le requinquant pour un nouveau cycle. En cela, le christianisme naissant se fait (très) proche des religions à mystère qui s'appuyaient sur la régénérescence annuelle de la Nature et célébraient les renaissances périodiques.