En faisant fabriquer un nouveau logo pour l’Unitarian Universalist Association (UUA) par une agence de publicité, l’UUA, dans un désir de renouvellement, vient de jeter aux orties une partie de son histoire pourtant récente. Est-ce une fuite en avant à la recherche d’une nouvelle clientèle ? d’une nouvelle génération ?
Souvenons-nous, le révérend Dr. Charles E. Joy, fut nommé 1940 commissaire à Lisbonne de l’Unitarian Service Committee (USC) que l’American Unitarian Association (AUA, fondée en 1825 à Boston) venait de mettre en place afin de participer à l’accueil des migrants, pour la plupart Juifs, en provenance de l’Europe submergée par le nazisme. En janvier 1941, afin de donner plus de poids aux lettres de recommandation qu’il adressait aux autorités américaines et britanniques afin d’appuyer le départ d’immigrés (ces départs se faisaient alors au compte goutte du fait des réticences de ces autorités), il commanda un logo pour entête auprès d’un caricaturiste originaire de Vienne qui avait fui l’avancée nazi, Hans Deutsch. Celui-ci dessina une coupe dans laquelle il mit une bougie allumée. On peut y voir la coupe de la communion chrétienne (que les Hussites du XVème siècle avait arborée sur leurs drapeaux) associée aux bougies si présentes dans les prières juives. Le révérend américain parla de « chalice » et se lança dans une explication vaseuse évoquant la coupe dans les religions antiques ! Nous étions à une époque où de nombreux unitariens américains avaient déjà pris leur distance vis-à-vis du christianisme (lien ). A noter que la silhouette générale pouvait faire penser vaguement à une croix et contenter ainsi les unitariens américains restés fidèles à l’origine chrétienne de leur foi.
Ce dessin, le « flaming chalice » resta l’apanage de l’USC jusqu’en 1976-77, date à laquelle il fit son apparition dans un document officiel de l’UUA, alors agrémenté d’un double cercle pour évoquer la fusion qui eut lieu en 1961 entre l’American Unitarian Association et l’Eglise universaliste d’Amérique. Depuis, la plupart des communautés unitariennes du monde entier, hormis ceux qui avaient déjà un blason ou emblème (Transylvanie et Hongrie, Tchécoslovaquie, Allemagne), ont adopté le logo des Américains en le particularisant dans la logique du congrégationalisme qui veut que chaque communauté locale soit indépendante.
En abandonnant les deux cercles, l’UUA, en février 2014 ( lien), vient d’abandonner toute référence symbolique à la fusion de 1961 ; en bref, exit de la mémoire l’Eglise universaliste ( lien). Cela était prévisible car la fusion conduit inévitablement à l’assimilation au profit de l’entité dominante.
Enfin, si l’on retrouve une forme plus authentique de calice avec la lettre « U » (et non une coupe plate dénommée « chalice ») la bougie juive a disparue, laissant place à un robuste flambeau qui fait penser à celui tenu d’une main ferme par la Statue de la liberté à New-York. Là aussi, c’est le terme de toute une évolution amorcée au milieu du XIXème siècle avec le transcendantalisme américain. Exit donc la matrice chrétienne ; seules comptent désormais les valeurs universelles.
A la mode du pragmatisme anglo-saxon, l’évolution se fait progressivement, sans débat préalable, avant même la date d'une prochaine assemblée générale, sans guère d’explication, comme une évidence consensuelle … mais, là, c’est l’affaire interne de nos amis américains et cela ne nous concerne point !