"L'avenir est ouvert" par Jacques Gaillot, évêque de Partenia*, article paru dans l'Humanité Dimanche le 9 novembre 2014 et diffusé au sein de la Fédération des réseaux des parvis.
* démissionné de son diocèse d'Evreux en 1995 par les instances vaticanes, J. Gaillot s'est vu offrir un diocèse fictif ayant naguère existé en Tunisie chrétienne.
Le synode romain a donné lieu à de vives tensions entre progressistes et conservateurs. L'assemblée a été dominée semble-t-il par les conservateurs. Faut-il s'en étonner ?
Le pape François avait envoyé au printemps dernier, 38 questions aux évêques du monde entier sur les familles aujourd'hui. Ce questionnaire très ouvert a été largement diffusé. Nous avons été nombreux à répondre, souvent collectivement. François sait qu'il est soutenu par une large opinion publique. Beaucoup attendent que des portes s'ouvrent et que l'Eglise catholique rencontre son temps.
Mgr Jacques Gaillot et le pape François, montage photo publié sur le site de l'association Partenia 2000 accompagnant une lettre ouverte du 23 juin 2013 demandant qu'une rencontre ait lieu entre les deux hommes (lien).
Le texte adopté à la fin du synode m'apparaît décevant et en retrait. Surtout par rapport aux propositions d'ouverture qui avaient été faites aux divorcés remariés et aux homosexuels. Ce texte donne l'impression que l'on reste enfermé dans un système. On a écrit que le pape François était au pied du mur. Fort heureusement, une année de débat permettra de mûrir les orientations qui prépareront le prochain synode. Année qui pourrait être plus importante que le synode lui-même !
Dans nos sociétés modernes, le modèle familial a éclaté : familles divorcées, sans enfants, monoparentales, recomposées, de même sexe... C'est un changement anthropologique et culturel considérable.
L'Eglise catholique est invitée à accueillir les personnes telles qu'elles sont et non pas telles qu'elles devraient être. Partir non pas des principes mais des couples qui sont de fait exclus de l'union sacramentelle. Reconnaître avec bienveillance l'amour qui est vécu chez des couples hors normes. Ne pas se refugier dans la doctrine en tenant un discours normatif, mais se mettre à l'écoute, et porter un regard positif sur ces nouvelles formes de familles dont la vie au quotidien n'est souvent pas facile. Tant de familles vivent dans la précarité, victimes d'un système économique inhumain!
Ce n'est pas la discipline qui prévaut, c'est la miséricorde. N'est-ce pas le comportement habituel de Jésus dans toutes ses rencontres sur les chemins de Palestine ?
Le rôle de l'Eglise est d’accompagner, de soulager, d'encourager et non pas d'imposer des fardeaux que nous-mêmes ne portons pas. Ce n'est pas une voie de facilité. C'est un changement majeur. Un retournement. Il ne s'agit pas d'accepter tout ce qui se fait, mais de partir des situations de vie telles qu'elles sont et de faire un pas en avant sur un chemin nouveau qui soit respectueux des personnes.
C'est à l'honneur de l'Eglise que des chrétiens, des prêtres aient depuis longtemps ouverts des portes. Le mariage civil est reconnu positivement. Des divorcés remariés sont accueillis et communient. Des responsabilités leur sont confiées. Des couples homosexuels sont reconnus et estimés. Leur mariage est béni et les enfants sont baptisés. Dans les périphéries de l'Eglise, existe un climat de tolérance et de respect où les exclus de nos règlements sont les premiers invités à la table eucharistique.
Le pape François nous réjouit par son audace évangélique. Il ne ménage pas sa peine pour que l'on sorte des sentiers battus. Il impulse une véritable mutation et entend faire évoluer l'Eglise.
Ses paroles à la fin du synode seront-elles entendues ? « Dieu est le Dieu de la loi. Il est aussi le Dieu des surprises. Laissez-vous surprendre par Dieu. Dieu n'a pas peur de la nouveauté ». L'avenir est ouvert. Le meilleur est à venir.